Ce vers de l’Iliade se prête à plusieurs niveaux de lecture et présente la figure du maître tantôt dans sa relation problématique avec l’élève, tantôt dans l’ambivalence entre la condition du maître et celle du père, entre affection et apprentissage, entre réplication et point de fuite, entre symétrie et déraillement : tout cela se développe dans un réseau de relations réglés par la dimension intermédiaire. De ce point de vue le rapport entre Phénix et Achille, tel qu’il est transmis par l’Iliade dans le chant IX du poème, nous permet d’examiner certains enjeux complexes placés au cœur de ce Colloque. Le jeu très subtil entre les devoirs sociaux d’Achille et l’autobiographie de son maître Phénix vise à expliquer les relations structurelles plus profondes qui unissent tous les personnages impliqués, à différents niveaux narratifs et temporels. Les liens entre les deux personnages se manifestent par le biais de la souffrance aussi bien que par une trame de redoublements qui marquent les racines mêmes de la relation magistrale, selon une logique dénommée ici « hypergénérationnelle ». Le processus éducatif est donc génératif : heur et malheur de Phénix ne sont pas sans raison. Cette qualité générative, qui marque le rapport entre Phénix et Achille, rend la relation maître / élève durable et infrangible, sans qu’elle soit amenée à se figer. Il s’agit d’un mécanisme qui caractérise toute l’architecture narrative de l’Iliade, justifiant la centralité assignée à la couple Phénix/Achille et à son objective « anthropopoiétique », c’est-à-dire la maîtrise de la colère et l’acceptation du destin mortel des hommes.
Cusumano, N. (2013). « Et c'est moi qui ainsi t'ai fait ce que tu es ». Phénix maître d’Achille. In N. NOACCO, C. BONNET, P. MAROT, C. ORFANOS (a cura di), Figures du maître. De l'autorité à l'autonomie (pp. 127-137). Paris- Rennes : PRESSES UNIVERSITAIRES de RENNES.
« Et c'est moi qui ainsi t'ai fait ce que tu es ». Phénix maître d’Achille
CUSUMANO, Nicola
2013-01-01
Abstract
Ce vers de l’Iliade se prête à plusieurs niveaux de lecture et présente la figure du maître tantôt dans sa relation problématique avec l’élève, tantôt dans l’ambivalence entre la condition du maître et celle du père, entre affection et apprentissage, entre réplication et point de fuite, entre symétrie et déraillement : tout cela se développe dans un réseau de relations réglés par la dimension intermédiaire. De ce point de vue le rapport entre Phénix et Achille, tel qu’il est transmis par l’Iliade dans le chant IX du poème, nous permet d’examiner certains enjeux complexes placés au cœur de ce Colloque. Le jeu très subtil entre les devoirs sociaux d’Achille et l’autobiographie de son maître Phénix vise à expliquer les relations structurelles plus profondes qui unissent tous les personnages impliqués, à différents niveaux narratifs et temporels. Les liens entre les deux personnages se manifestent par le biais de la souffrance aussi bien que par une trame de redoublements qui marquent les racines mêmes de la relation magistrale, selon une logique dénommée ici « hypergénérationnelle ». Le processus éducatif est donc génératif : heur et malheur de Phénix ne sont pas sans raison. Cette qualité générative, qui marque le rapport entre Phénix et Achille, rend la relation maître / élève durable et infrangible, sans qu’elle soit amenée à se figer. Il s’agit d’un mécanisme qui caractérise toute l’architecture narrative de l’Iliade, justifiant la centralité assignée à la couple Phénix/Achille et à son objective « anthropopoiétique », c’est-à-dire la maîtrise de la colère et l’acceptation du destin mortel des hommes.File | Dimensione | Formato | |
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