Le débat centré sur la neutralité axiologique ne caractérise pas seulement la fondation épistémologique de la sociologie. Il est récurrent et trans-disciplinaire. Récurrent parce qu’il appartient - on pourrait dire en paraphrasant E. Durkheim - au « travail épistémologique » c’est-à-dire au travail continu de partage d’un ordre scientifique ; trans-disciplinaire parce qu’il est commune à distinctes sciences du social. En analysant le caractère trans-disciplinaire il suffit de penser au processus de rationalisation de la connaissance économique : objectivité des lois économiques et nécessité d’une finalisation empirique d’elles s’entrecroisent à travers des mouvements complexes d’abstraction et de réflexion politique et morale du début du XVII siècle jusqu’à aujourd’hui. L’œuvre de J.B.Say, de Ricardo, de List non moins de l’actuel nouvel institutionnalisme en sont simplement des exemples. La continuité diachronique et la transdisciplinarité permettent de parler aujourd’hui d’une problématique scientifique commune aux sciences sociales et centrale par rapport à leur développement. Cette problématique puisse le chercheur social à des réflexions nouvelles. Elle portent : - sur l’utilité epistemologique de garder une attitude à la recherche fondée sur la neutralité axiologique - et sur les significations qu’on est légitimé à donner à cette utilité. Dans un premier temps, on voudrait démontrer que sont bien les nouveaux paris en scène dans nos arènes sociales à rendre aujourd’hui plus que jamais fondamentale de garder fermement des attitudes épistémologiques centrées sur la neutralité axiologique. Dans un second temps on voudrait réfléchir sur les modalités légitimes de redéfinir aujourd’hui la neutralité axiologique. En partant du concept de « liberté conflictuelle » qu’on doit à Montesquieu on pense de souligner l’importance d’une appropriation de l’attitude à la neutralité axiologique comme attitude à se placer dans une perspective historique, c’est-à-dire attitude à comprendre la dialectique constante existante entre le point dont on parle et le point dont les autres parlent. Cette perspective implique deux processus majeurs : le premier de distanciation, le deuxième d’autonomisation. Le premier concerne un éloignement de celle qu’on pourrait appeler la mitho-histoire au sens ample, c’est-à-dire des préconceptions enracinés sur la prétention à la centralité et à l’universalité des valeurs qui structurent la société d’appartenance. Le deuxième concerne la reconnaissance d’une attention à l’Autre, d’un respect vers l’Autre qui peuvent surgir seulement si on reconnaît, comme le souligne Piaget, l’interdépendance entre le respect mutuel et la pleine autonomie, ou comme le souligne Tocqueville, la «reconnaissance de la dignité de l’autre » comme possibilité de fonder une société non tant égalitaire quant solidaire. Il y a une pratique au sens surtout d’une éducation à la neutralité axiologique qui demande à être reconnue dans toute sa portée transcendantale, c’est-à-dire dans la possibilité de faire émerger l’unité des processus cognitifs tout en reconnaissant la multiplicité des expériences de vie et des foyers de valeurs qui les structurent. Cette pratique en prenant en compte les processus de distanciation et d’autonomisation ne peut pas exclure une interrogation centrale au travail scientifique qui porte sur la responsabilité du chercheur. Les explications qu’il donne ont des résonances multiples non seulement dans le sein de la communauté scientifique mais aussi dans celle politique. Les propositions qui constituent son argumentaire ne sont pas muets. Comment ne considérer pas - par exemple - tous les effets qui peuvent découler des modalités d’envisager aujourd’hui les droits de l’homme, leurs formes, leurs extensions, leurs fondements ? Est-ce que la pensée scientifique peut-être pensée dans toute sa portée en excluant sa forme empirique, c’est-à-dire son activité continue constitutive de l’action ? Cette interrogation pousse à une redéfinition de la neutralité axiologique. La prise en compte des conséquences de ses actes, attitude économique dans sa matrice, est mise en relation par M. Weber avec l’action des hommes politiques. Toutefois, dans la complexe perspective wébérienne, les savants, d’une coté se distinguent nettement des hommes politiques, de l’autre, en partageant une tension très spécifique à l’action, le Beruf, partagent des modes de vie. Est-ce qu’on peut aujourd’hui laisser sur les épaules des politiques tout le poids d’une responsabilité de type politique ? Est-ce que le travail de fondation épistémologique d’ordres légitimes mais aussi possibles ne concerne pas davantage les chercheurs des sciences du social ? Est-ce que le moment n’est pas venu de s’approprier de la profondeur de la dialectique wébérienne entre responsabilité politique et responsabilité scientifique ? Contribuer à alimenter le débat sur cette question est l’objectif que cette communication se propose.

VINCI, F. (2006). Modalités de redéfinition de la neutralité axiologique et questionnement de la responsabilité épistémologique.

Modalités de redéfinition de la neutralité axiologique et questionnement de la responsabilité épistémologique

VINCI, Fiorella
2006-01-01

Abstract

Le débat centré sur la neutralité axiologique ne caractérise pas seulement la fondation épistémologique de la sociologie. Il est récurrent et trans-disciplinaire. Récurrent parce qu’il appartient - on pourrait dire en paraphrasant E. Durkheim - au « travail épistémologique » c’est-à-dire au travail continu de partage d’un ordre scientifique ; trans-disciplinaire parce qu’il est commune à distinctes sciences du social. En analysant le caractère trans-disciplinaire il suffit de penser au processus de rationalisation de la connaissance économique : objectivité des lois économiques et nécessité d’une finalisation empirique d’elles s’entrecroisent à travers des mouvements complexes d’abstraction et de réflexion politique et morale du début du XVII siècle jusqu’à aujourd’hui. L’œuvre de J.B.Say, de Ricardo, de List non moins de l’actuel nouvel institutionnalisme en sont simplement des exemples. La continuité diachronique et la transdisciplinarité permettent de parler aujourd’hui d’une problématique scientifique commune aux sciences sociales et centrale par rapport à leur développement. Cette problématique puisse le chercheur social à des réflexions nouvelles. Elle portent : - sur l’utilité epistemologique de garder une attitude à la recherche fondée sur la neutralité axiologique - et sur les significations qu’on est légitimé à donner à cette utilité. Dans un premier temps, on voudrait démontrer que sont bien les nouveaux paris en scène dans nos arènes sociales à rendre aujourd’hui plus que jamais fondamentale de garder fermement des attitudes épistémologiques centrées sur la neutralité axiologique. Dans un second temps on voudrait réfléchir sur les modalités légitimes de redéfinir aujourd’hui la neutralité axiologique. En partant du concept de « liberté conflictuelle » qu’on doit à Montesquieu on pense de souligner l’importance d’une appropriation de l’attitude à la neutralité axiologique comme attitude à se placer dans une perspective historique, c’est-à-dire attitude à comprendre la dialectique constante existante entre le point dont on parle et le point dont les autres parlent. Cette perspective implique deux processus majeurs : le premier de distanciation, le deuxième d’autonomisation. Le premier concerne un éloignement de celle qu’on pourrait appeler la mitho-histoire au sens ample, c’est-à-dire des préconceptions enracinés sur la prétention à la centralité et à l’universalité des valeurs qui structurent la société d’appartenance. Le deuxième concerne la reconnaissance d’une attention à l’Autre, d’un respect vers l’Autre qui peuvent surgir seulement si on reconnaît, comme le souligne Piaget, l’interdépendance entre le respect mutuel et la pleine autonomie, ou comme le souligne Tocqueville, la «reconnaissance de la dignité de l’autre » comme possibilité de fonder une société non tant égalitaire quant solidaire. Il y a une pratique au sens surtout d’une éducation à la neutralité axiologique qui demande à être reconnue dans toute sa portée transcendantale, c’est-à-dire dans la possibilité de faire émerger l’unité des processus cognitifs tout en reconnaissant la multiplicité des expériences de vie et des foyers de valeurs qui les structurent. Cette pratique en prenant en compte les processus de distanciation et d’autonomisation ne peut pas exclure une interrogation centrale au travail scientifique qui porte sur la responsabilité du chercheur. Les explications qu’il donne ont des résonances multiples non seulement dans le sein de la communauté scientifique mais aussi dans celle politique. Les propositions qui constituent son argumentaire ne sont pas muets. Comment ne considérer pas - par exemple - tous les effets qui peuvent découler des modalités d’envisager aujourd’hui les droits de l’homme, leurs formes, leurs extensions, leurs fondements ? Est-ce que la pensée scientifique peut-être pensée dans toute sa portée en excluant sa forme empirique, c’est-à-dire son activité continue constitutive de l’action ? Cette interrogation pousse à une redéfinition de la neutralité axiologique. La prise en compte des conséquences de ses actes, attitude économique dans sa matrice, est mise en relation par M. Weber avec l’action des hommes politiques. Toutefois, dans la complexe perspective wébérienne, les savants, d’une coté se distinguent nettement des hommes politiques, de l’autre, en partageant une tension très spécifique à l’action, le Beruf, partagent des modes de vie. Est-ce qu’on peut aujourd’hui laisser sur les épaules des politiques tout le poids d’une responsabilité de type politique ? Est-ce que le travail de fondation épistémologique d’ordres légitimes mais aussi possibles ne concerne pas davantage les chercheurs des sciences du social ? Est-ce que le moment n’est pas venu de s’approprier de la profondeur de la dialectique wébérienne entre responsabilité politique et responsabilité scientifique ? Contribuer à alimenter le débat sur cette question est l’objectif que cette communication se propose.
2006
VINCI, F. (2006). Modalités de redéfinition de la neutralité axiologique et questionnement de la responsabilité épistémologique.
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